Statement

2001 — Entre 1999 et 2001 Pascal Lièvre entreprend de réaliser une série d’œuvres à partir d’un corpus de diapositives empruntées à la bibliothèque Forney de Paris. Il souhaite construire un alphabet de formes et faire apparaître à travers cette série de peintures, une histoire des corps représentés. Il établit dans un premier temps un collage de douze feuilles de papier Ingres, construisant ainsi une trame mesurant 114 x 121 cm qui sera la même pour toutes les œuvres. Chaque œuvre originale sera donc réduite à la même échelle, jouant ainsi avec la mise au carreau cette technique utilisée en dessin qui permet ou facilite la copie d'une œuvre. Ensuite, il projette les images des tableaux, pour en redessiner les corps, humains et non humains, il élimine tout le reste des éléments qui compose l’oeuvre même si de temps en temps subsiste un objet dans certaines peintures. Toutes les figures sont remplies de peinture acrylique noire, ce qui donne l’impression que ce sont des ombres chinoises formant un « théâtre d’ombres ». Une fois terminée, les feuilles de papier sont recouvertes d’huile de lin qui a la faculté avec le temps de rendre les feuilles de papier transparentes. Il en résulte un ensemble d’œuvres commençant en 1285 avec Cimabue et se terminant en 1995 avec Mike Kelley. Une des particularités de la série c’est que toutes les œuvres ont été peintes par des hommes. Depuis la renaissance l’art étant majoritairement aux mains des hommes, ce n’est que dans les deux derniers siècles que les femmes sont apparues pour écrire aussi une autre histoire. Pascal Lièvre imagine cette série d’ombres chinoises, comme les ombres d’une histoire de l’art passée et dépassée et fait référence au théâtre d’ombres projetées dans la caverne de Platon. Il aimerait présenter la série dans son ensemble dans un espace peu éclairé, comme si nous pénétrions dans une caverne, afin de mettre celleux qui regardent aujourd’hui dans la position de ceux qui étaient enchaînés dans l’allégorie de la caverne de Platon obligés de voir un monde fabriqué d’illusions éloigné de la réalité. Le titre de la série alphabet mnémonique fait référence à l’atlas mnémosyne de l'historien de l'art allemand Aby Warburg cet important corpus d'images, absolument original et unique, dont l’ambition n’était rien moins, que de poser les fondements d’une grammaire figurative générale. A une échelle plus modeste, cette série de Pascal Lièvre envisage une grammaire des corps dans la peinture, de la renaissance à aujourd’hui.
2004 — 2010 — Parodiant le M.L.F qui devient Mouvement de Libération des Formes, au cours d’une reprise d’une performance d’ORLAN en 2004, j’exploite un vide législatif, une vacance de la loi qui est aussi l’indice pour moi d’une possibilité d’action. En effet, Le droit français à la parodie (l’article L 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle) aménage un statut d’exception. Cette licence reste toutefois conditionnée par la transformation substantielle de l’œuvre, qui évite la confusion avec original, et l’intention humoristique qui la motive. Refonte, hybridations, variations chromiques, ombrages, coupes, associations, collages, montages : je vais jongler avec tous les moyens plastiques dont je dispose. L’acte rejoint l’intention politique, il assoit la légitimité de ses œuvres sur la possibilité de sa reconnaissance juridique. C’est une remise en compte totale du droit de propriété des auteurices et du marché, en libérant ces formes plastiques, et en élaborant des fictions communistes des formes, je recrée un commun des formes plastiques. Ici, par exemple en soulignant le caractère de "Déjà vu" que les corps de Rineke Dijkstra empreinte à la statuaire classique et à la peinture de la renaissance, en s'appropriant ses formes.
2010 — Parodiant le M.L.F qui devient Mouvement de Libération des Formes, au cours d’une reprise d’une performance d’ORLAN en 2004, j’exploite un vide législatif, une vacance de la loi qui est aussi l’indice pour moi d’une possibilité d’action. En effet, Le droit français à la parodie (l’article L 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle) aménage un statut d’exception. Cette licence reste toutefois conditionnée par la transformation substantielle de l’œuvre, qui évite la confusion avec original, et l’intention humoristique qui la motive. Refonte, hybridations, variations chromiques, ombrages, coupes, associations, collages, montages : je vais jongler avec tous les moyens plastiques dont je dispose. L’acte rejoint l’intention politique, il assoit la légitimité de ses œuvres sur la possibilité de sa reconnaissance juridique. C’est une remise en compte totale du droit de propriété des auteurices et du marché, en libérant ces formes plastiques, et en élaborant des fictions communistes des formes, je recrée un commun des formes plastiques. Ici, par exemple en utilisant la paillette pour déconstruire le statut "straight" du contexte historique masculiniste dans lequel on était produit ces formes.
2009 — Parodiant le M.L.F qui devient Mouvement de Libération des Formes, au cours d’une reprise d’une performance d’ORLAN en 2004, j’exploite un vide législatif, une vacance de la loi qui est aussi l’indice pour moi d’une possibilité d’action. En effet, Le droit français à la parodie (l’article L 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle) aménage un statut d’exception. Cette licence reste toutefois conditionnée par la transformation substantielle de l’œuvre, qui évite la confusion avec original, et l’intention humoristique qui la motive. Refonte, hybridations, variations chromiques, ombrages, coupes, associations, collages, montages :Je vais jongler avec tous les moyens plastiques dont je dispose. L’acte rejoint l’intention politique, il assoit la légitimité de ses œuvres sur la possibilité de sa reconnaissance juridique. C’est une remise en compte totale du droit de propriété des auteurices et du marché, en libérant ces formes plastiques, et en élaborant des fictions communistes des formes, je recrée un commun des formes plastiques.

The purple Mapplethorpe

2012 — 2012 — Robert Mapplethorpe (photographe américain (1946-1989) disait en 1988, dans une interview: Si j’étais né il y a cent ou deux cent ans, j’aurai sans doute été sculpteur, mais la photographie est une façon rapide de regarder et de créer une sculpture. Pascal Lièvre décide de réaliser des sculptures avec les photographies de Robert Mapplethorpe issues du livre The Black book, édité en 1986 par Schirmer Mosel. Ce livre contient 91 images d’hommes noirs qui sont photographiés en studio. C’est une appropriation des codes de la photographie moderne et plus généralement des codes de la représentation du corps blanc occidental re-acté par des corps noirs, africains-américains et pour la plupart gay. Pascal Lièvre recouvre les chairs avec de la paillette noire, c’est à la fois un geste sculptural dans le sens où la photographie devient le socle sur lequel est collé la paillette, une sculpture plate, qui montre en masquant la chair la dimension sculpturale du corps. Et à la fois un geste qui efface les détails des corps, un geste presque puritain qui recouvre les chairs afin d’en souligner l’aspect scandaleux à l’époque. J’aimerai rajouter à mon texte de présentation, quelques mots sur le regard que je peux porter sur cette série de Mapplethorpe, A l’époque, je voulais montrer la dimension sculpturale des corps représentés, mais aussi le fait que Mapplethorpe photographie des corps noirs comme des statues (beaucoup de références à la statuaire classique blanche) plaçant alors le corps noir au centre de l’histoire de la photographie en en cassant les codes issus d’une modernité remise alors en question. Notamment comment la paillette en scintillant pourrait déconstruire les éclairages de la photographie. En 2020, nous devons regarder le travail de Mapplethorpe aussi sur la manière dont un homme blanc photographie les corps noirs et de la façon dont la sexualité des hommes noirs y est perçue comme foncièrement différente, excessive ou autre.(Kobena Mercer Cultures pornographiques. Anthologie des porn studies, 2015) Il y a aussi un essentialisme à l’œuvre dans ce livre, qu’il faut aussi aujourd’hui déconstruire. Peut-être alors le geste de recouvrir les corps de paillettes noires pourrait être perçu comme un moyen aussi de souligner la fétichisation que Mapplethorpe fait du corps noir. Je n’oublie pas dans cette histoire, que je suis moi aussi un homme blanc, et qu’en recouvrant les corps noirs photographiés par Mapplethorpe, je souligne la dimension fétichiste du corps représenté et sa dimension sculpturale. J'ai fait plusieurs versions de la série avec des couleurs différentes, argent, or, cuivre, rose, mauve, etc… Les corps sont alors transformés en sculptures de toutes les couleurs. En présentant les différentes versions ensemble, on multiplie les points de vue, en déconstruisant le binarisme noir & blanc des images initiales en variations chromatiques. Cette fétichisation est notamment dénoncée par Glenn Ligon, artiste africain-américain gay, qui a réalisé Notes of the margin of the black book entre 1991 et 1993. Partant des photographies du Black Book de Mapplethorpe, il intègre des textes encadrés. Ces derniers vont de la critique acerbe à la reconnaissance envers le photographe. Ces écrits sont de la main de certains de ses modèles, ou d’observateurs et observatrices de son travail. Plusieurs modèles témoignent de la personnalité égocentrique de Mapplethorpe, de son obsession pour sa célébrité ou du sentiment d’avoir été utilisé sans reconnaissance. Ligon laisse l’interprétation ouverte puisqu’il ne semble pas prendre parti entre les deux camps.

La convergence des luttes

2024 — Séries de pancartes avec des phrases écrites par des théoricien·nes et activistes en paillettes or présentées avec des pancartes issues de manifestations récentes écrites avec des paillettes de couleurs proches de celles utilisées pour écrire la pancarte. Ainsi les phrases théoriques activistes et celles des revendications dans les manifestations se rencontrent pour former une convergence des luttes.

Aids Activist Memorial

2024 — Mémorial pour des activistes du sida mort·es du sida à travers le monde propose d'activer la mémoire de celleux qui se sont battu·es contre la maladie, mais qui en sont mort·es. Peu à peu la mémoire s'efface et quand on fait des recherches sur elleux, on ne trouve pas beaucoup d'information ou elles sont souvent dispersées. Je crée non seulement une oeuvre commémorant la mémoire de l'activiste disparu·e, mais je propose aussi de présenter une page internet accessible avec un QR Code, donnant accès à de nombreuses informations centralisées que j'ai pu trouver en faisant des recherches sur elleux : texte, interviews, images, liens vidéos. Dans ces panneaux j’écris avec la paillette rouge le nom, l’année de naissance, l’année de la mort, le lieu de naissance et le lieu de la mort de l’activiste. La paillette comme médium d'enpuissancement, rouge sur blanc qui sont les couleurs liées au VIH/sida depuis le début de l'épidémie. Une oeuvre qui célèbre la mémoire de celleux disparu·es, qui continuent à oeuvrer avec nous, dépassant le binarisme vivant·es/non vivant·es, une autre manière d’envisager la relation avec celleux que nos sociétés appellent mor·tes. Quand on fait des recherches sur les activistes mort·es du sida, il est très difficile de trouver des personnalités extra - occidentales, comme si cette histoire ne concernait que les américain·es et les européen·nes. Si l’histoire est écrite par les vainqueur·es alors les algorithmes de google répète encore et toujours les mêmes gestes. L’effacement de certain·es et la visibilisation d’autres. Je propose de créer des espaces de visibilité de tou·tes quelque soit le lieu de naissance. Un espace de recueillement, un espace d'information, un espace de médiation avec les mort·es.