2012 — 2012 — Robert Mapplethorpe (photographe américain (1946-1989) disait en 1988, dans une interview: Si j’étais né il y a cent ou deux cent ans, j’aurai sans doute été sculpteur, mais la photographie est une façon rapide de regarder et de créer une sculpture. Pascal Lièvre décide de réaliser des sculptures avec les photographies de Robert Mapplethorpe issues du livre The Black book, édité en 1986 par Schirmer Mosel. Ce livre contient 91 images d’hommes noirs qui sont photographiés en studio. C’est une appropriation des codes de la photographie moderne et plus généralement des codes de la représentation du corps blanc occidental re-acté par des corps noirs, africains-américains et pour la plupart gay. Pascal Lièvre recouvre les chairs avec de la paillette noire, c’est à la fois un geste sculptural dans le sens où la photographie devient le socle sur lequel est collé la paillette, une sculpture plate, qui montre en masquant la chair la dimension sculpturale du corps. Et à la fois un geste qui efface les détails des corps, un geste presque puritain qui recouvre les chairs afin d’en souligner l’aspect scandaleux à l’époque. J’aimerai rajouter à mon texte de présentation, quelques mots sur le regard que je peux porter sur cette série de Mapplethorpe, A l’époque, je voulais montrer la dimension sculpturale des corps représentés, mais aussi le fait que Mapplethorpe photographie des corps noirs comme des statues (beaucoup de références à la statuaire classique blanche) plaçant alors le corps noir au centre de l’histoire de la photographie en en cassant les codes issus d’une modernité remise alors en question. Notamment comment la paillette en scintillant pourrait déconstruire les éclairages de la photographie. En 2020, nous devons regarder le travail de Mapplethorpe aussi sur la manière dont un homme blanc photographie les corps noirs et de la façon dont la sexualité des hommes noirs y est perçue comme foncièrement différente, excessive ou autre.(Kobena Mercer Cultures pornographiques. Anthologie des porn studies, 2015) Il y a aussi un essentialisme à l’œuvre dans ce livre, qu’il faut aussi aujourd’hui déconstruire. Peut-être alors le geste de recouvrir les corps de paillettes noires pourrait être perçu comme un moyen aussi de souligner la fétichisation que Mapplethorpe fait du corps noir. Je n’oublie pas dans cette histoire, que je suis moi aussi un homme blanc, et qu’en recouvrant les corps noirs photographiés par Mapplethorpe, je souligne la dimension fétichiste du corps représenté et sa dimension sculpturale. J'ai fait plusieurs versions de la série avec des couleurs différentes, argent, or, cuivre, rose, mauve, etc… Les corps sont alors transformés en sculptures de toutes les couleurs. En présentant les différentes versions ensemble, on multiplie les points de vue, en déconstruisant le binarisme noir & blanc des images initiales en variations chromatiques. Cette fétichisation est notamment dénoncée par Glenn Ligon, artiste africain-américain gay, qui a réalisé Notes of the margin of the black book entre 1991 et 1993. Partant des photographies du Black Book de Mapplethorpe, il intègre des textes encadrés. Ces derniers vont de la critique acerbe à la reconnaissance envers le photographe. Ces écrits sont de la main de certains de ses modèles, ou d’observateurs et observatrices de son travail. Plusieurs modèles témoignent de la personnalité égocentrique de Mapplethorpe, de son obsession pour sa célébrité ou du sentiment d’avoir été utilisé sans reconnaissance. Ligon laisse l’interprétation ouverte puisqu’il ne semble pas prendre parti entre les deux camps.
2024 — Séries de pancartes avec des phrases écrites par des théoricien·nes et activistes en paillettes or présentées avec des pancartes issues de manifestations récentes écrites avec des paillettes de couleurs proches de celles utilisées pour écrire la pancarte. Ainsi les phrases théoriques activistes et celles des revendications dans les manifestations se rencontrent pour former une convergence des luttes.
2024 — Mémorial pour des activistes du sida mort·es du sida à travers le monde propose d'activer la mémoire de celleux qui se sont battu·es contre la maladie, mais qui en sont mort·es. Peu à peu la mémoire s'efface et quand on fait des recherches sur elleux, on ne trouve pas beaucoup d'information ou elles sont souvent dispersées. Je crée non seulement une oeuvre commémorant la mémoire de l'activiste disparu·e, mais je propose aussi de présenter une page internet accessible avec un QR Code, donnant accès à de nombreuses informations centralisées que j'ai pu trouver en faisant des recherches sur elleux : texte, interviews, images, liens vidéos. Dans ces panneaux j’écris avec la paillette rouge le nom, l’année de naissance, l’année de la mort, le lieu de naissance et le lieu de la mort de l’activiste. La paillette comme médium d'enpuissancement, rouge sur blanc qui sont les couleurs liées au VIH/sida depuis le début de l'épidémie. Une oeuvre qui célèbre la mémoire de celleux disparu·es, qui continuent à oeuvrer avec nous, dépassant le binarisme vivant·es/non vivant·es, une autre manière d’envisager la relation avec celleux que nos sociétés appellent mor·tes. Quand on fait des recherches sur les activistes mort·es du sida, il est très difficile de trouver des personnalités extra - occidentales, comme si cette histoire ne concernait que les américain·es et les européen·nes. Si l’histoire est écrite par les vainqueur·es alors les algorithmes de google répète encore et toujours les mêmes gestes. L’effacement de certain·es et la visibilisation d’autres. Je propose de créer des espaces de visibilité de tou·tes quelque soit le lieu de naissance. Un espace de recueillement, un espace d'information, un espace de médiation avec les mort·es.