Cleews Vellay

Source Wikipedia 
Cleews Vellay (né à Gonesse le 3 février 1964 et mort à Paris du sida le 18 octobre 1994) fut président d’Act Up-Paris de 1992 à 1994. Il prit le relais de Didier Lestrade, premier président de l’association, et eut pour successeur Christophe Martet.

Biographie
Issu d’un milieu populaire, Cleews Vellay exerça divers métiers : pâtissier, employé dans un chenil, puis enquêteur auprès de l’institut de sondages Ipsos. Homosexuel, il découvrit sa séropositivité à la fin des années 1980. Ayant adhéré à Act Up-Paris dès sa création en juillet 1989, Cleews Vellay devint responsable du Groupe d’action publique (GAP, chargé de l’organisation logistique des manifestations d’Act Up-Paris) puis fut élu président de l’association, poste qu’il occupa de septembre 1992 à septembre 1994.

Combats
Pour combattre la maladie, lui assurer davantage de visibilité dans les médias et critiquer les graves manquements à l’éthique qui l’entouraient à l’époque, Cleews Vellay mena les actions suivantes :

il osa assumer publiquement sa maladie aux côtés de Line Renaud lors du 1er Sidaction le 7 avril 1994, à une époque où beaucoup de malades mouraient du sida sans en parler ; il anima l’émission mensuelle d’Act Up-Paris, intitulée Le Rose et le Noir, sur Radio libertaire, en collaboration avec d’autres membres de l’association ; il rendit visible la prévention par la pose d’un préservatif géant sur l’obélisque de la place de la Concorde le 1er décembre 1993 ; il protesta contre l’interdiction du préservatif par le pape Jean-Paul II pendant la messe de la Toussaint à la cathédrale Notre-Dame de Paris le 1er novembre 1991 ; il hurla devant le ministère de la Santé pour réclamer des mesures d’urgence contre le sida ; il fonda la Commission prison d’Act Up-Paris, lui-même n’ayant jamais été incarcéré ; il participa à la commission Toxicomanie, lui-même n’étant pas dépendant ; il soutint la demande de justice des hémophiles lors de l’affaire du sang contaminé, lui-même ayant contracté le VIH par voie sexuelle ; il combattit l’expulsion des malades étrangers, il critiqua le manque de prévention du VIH pour les femmes.

Pendant les cinq dernières années de sa vie, Cleews Vellay tenta de combattre tout ce qui avait rendu possible sa contamination et favorisait les ravages du sida : le silence sur la maladie ; les inégalités d’accès aux traitements médicaux ; l’opacité de la recherche scientifique ; l’homophobie, ses racines politico-religieuses et ses théoriciens ; l’incurie et la lâcheté des gouvernements en matière de prévention, d’accès aux soins et d’aide à la recherche ; les charlatans escrocs aux remèdes miracles, les médecins crapuleux et les laboratoires véreux; les promoteurs du dépistage obligatoire et de l’internement des séropositifs dans des sidatoriums.

Décès

Cleews Vellay disparut à l’âge de trente ans le 18 octobre 1994. Le 26 octobre 1994, plus de 500 personnes, militants d’Act Up-Paris, amis et sympathisants, accompagnèrent son cercueil du Centre gay & lesbien de Paris au crématorium-columbarium du Père-Lachaise lors d’une procession publique au cours de laquelle furent distribués des tracts, conformément au souhait du défunt qui avait désiré faire de ses obsèques un « enterrement politique » assimilable à une manifestation. Il fallut à cette occasion contourner les lois françaises sur l’inhumation, avec le consentement tacite des pouvoirs publics. L’enterrement de Cleews Vellay se trouva ainsi relever de la désobéissance civile, mode d’action privilégié d’Act Up-Paris.

Plusieurs semaines après son décès, l’Allocation aux adultes handicapés (AAH) que Cleews Vellay demandait depuis plus d’un an lui fut enfin attribuée. Quelques jours après son décès, Act Up-Paris jeta les cendres de Cleews Vellay sur une assemblée de l’UAP, pour demander que les séropositifs ne soient plus exclus des assurances4, et une réunion de l’Agence du Médicament et des laboratoires Glaxo, pour empêcher la limitation de la distribution du nouveau traitement 3TC. En signe d’hommage, la Mairie de Paris inaugure le 30 novembre 2019 une plaque et une promenade. La plaque sur la façade du 44, rue René-Boulanger où était situé le local de l’association, porte le message : « En mémoire de Cleews Vellay (1964-1994), militant d’Act Up-Paris, mort du sida ». La promenade Cleews-Vellay se trouve sur le terre-plein situé entre la rue René-Boulanger et le boulevard Saint-Martin.


Héritage culturel : le fonds d’archives de Cleews Vellay

En 2004, pour le dixième anniversaire du décès de Vellay, son compagnon Philippe Labbey fait don des archives de Vellay à l’Académie gay et lesbienne. Il autorise la publication de ces archives, considérant que Vellay fait partie de l’histoire de la lutte contre le sida et du combat contre les discriminations envers les homosexuels. Après classement et scannage, les documents sont mis en ligne symboliquement le 18 octobre 2004 à 13 heures sur le site d’information du Conservatoire des archives et des mémoires homosexuelles de l’Académie gay et lesbienne. Philippe Labbey est décédé en 2011.

Conservatoire des Archives et des Mémoires LGBTQI > Fonds d’archives sur Cleews Vellay

18 10 1994 : communiqué d’Act Up Paris > Cleews Vellay est mort du sida

http://www.actupparis.org/

Cleews Vellay est mort du sida

Cleews Vellay est mort du sida à 30 ans le mardi 18 octobre 1994. Il était pédé, il était militant de la lutte contre le sida. – Il fut le président d’Act Up-Paris de septembre 1992 à septembre 1994. – Il avait adhéré à Act Up-Paris dès sa création, en 1989. Pendant ces 5 années, il a combattu tout ce qui a rendu possible sa contamination et sa mort :

– le silence sur la maladie,
– l’homophobie et ses raisons d’être (l’Eglise, l’Etat, l’Ordre des Pharmaciens, etc…),
– l’incurie et la lâcheté des hommes politiques en matière de prévention, d’accés aux soins et d’aide à la recherche,
– les médecins crapuleux et les laboratoires véreux,
– les fantasmes lepenistes de sidatorium et les délires de dépistage obligatoire.

Cleews savait qu’il ne mourrait pas d’une simple maladie, qu’il avait été assassiné d’avance par tous ces salopards et toutes ces saloperies. De là sa lutte au jour le jour, de là aussi son sens de la solidarité.
Teigneux et agressif, il était doté d’une générosité rare : au sein d’Act Up-Paris,
– il avait fondé la commission Prison alors qu’il n’a jamais été prisonnier,
– il avait participé à la première commission Toxicomanie alors qu’il n’avait jamais été toxicomane,
– il avait soutenu de bout en bout les revendications des hémophiles alors qu’il avait été contaminé par voie sexuelle,
– il avait été l’un des premiers à combattre l’expulsion des malades étrangers. Il se disait avant tout femme, folle, beau black, pompom girl, minorité des minorités. Pour tout cela, Cleews, tu garderas toujours tout notre amour et notre admiration, tous nos pleurs et notre douleur. Nous savons que tes gestes, tes regards, tes sourires, tes colères nous sont à jamais perdus. Ta force nous demeure. C’est elle qui nous porte encore, et nous portera plus que jamais, pour continuer cette lutte que tu avais engagée avec à peine quelques-uns. Mais cette force n’est rien à côté de ta perte. Rien ne nous consolera.

Source Diacritik
Commémorer Cleews Vellay

2019

Cleews Vellay est mort il y a 25 ans, à l’âge de trente ans, des suites du VIH. Il était alors le président – ou plutôt la présidente – d’Act Up Paris depuis deux ans.

Aujourd’hui, 30 novembre 2019, au 44 rue René Boulanger, dans le 10e arrondissement de Paris, une plaque à sa mémoire a été inaugurée par la Maire de Paris, Anne Hidalgo. Cette inauguration était étrange et ambiguë, laissant des sentiments mêlés : des souvenirs, de l’amertume, de la tristesse, de la joie, de la colère.

Une question s’impose : que signifie cette commémoration aujourd’hui, 25 ans après le décès de Cleews Vellay ? Que signifie-t-elle pour ceux et celles qui l’ont connu à Act Up, pour ceux et celles qui ont participé avec lui aux actions et aux politiques menées par Act up ? Pour ceux et celles qui l’ont vu mourir ? Et pour les officiels et officielles qui étaient là ? Que commémorait-on exactement, et que faisait-on là ? Y avait-il vraiment un « On », un « Nous » ?

Cleews Vellay a été le président d’Act Up Paris. Il a mené des combats collectifs contre les politiques qui en France ont favorisé l’épidémie. Il a dénoncé ces politiques, les institutions qui les soutenaient, les laboratoires pharmaceutiques qui se lavaient les mains de la mort de milliers de personnes. Il a mené ses combats personnels et son propre combat comme le VIH. Il a inclus dans tous ses combats ceux et celles qui étaient exclu.e.s des discours et images communes : les trans, les prostitué.e.s, les clandestins, les déclassé.e.s, les toxicomanes. L’épidémie de Sida, favorisée par l’homophobie structurelle et politique, ne frappait pas qu’un très grand nombre d’hommes homosexuels, elle fauchait aussi tout un ensemble de catégories sociales dévalorisées, invisibilisées, soumises à la violence, au rejet – et pour cela, encore davantage abandonnées par l’Etat et la société à leur mort silencieuse et invisible. Cleews Vellay a voulu faire de la lutte contre le Sida une lutte pour tous, en vue de tous, une lutte transversale et englobante, rendant nécessaires l’inclusion de tous et toutes et le bouleversement politique indispensable à cette forme nouvelle de lutte.

Commémorer, c’est se souvenir, marquer par une cérémonie la mémoire de quelqu’un, d’un événement. Commémorer, c’est rendre hommage. Les personnes qui ont commémoré Cleews Vellay cet après-midi n’avaient pas la même chose en tête et, pour chacune, commémorer ne signifiait pas la même chose, ne correspondait au même acte. Le risque de la commémoration est de figer dans le passé, de maintenir dans le passé en rappelant le souvenir. Le risque est de se contenter d’évoquer le passé, de rendre consciente de manière aiguë la distance qui nous en sépare, d’enfermer ce qui est évoqué dans cette distance, l’emprisonnant dans un temps à jamais révolu. Se souvenir que Cleews Vellay est mort il y a vingt-cinq ans, à l’âge de trente ans, ne peut que faire pleurer. Que faire d’autre ? Pour ceux et celles qui l’ont connu, se souvenir de lui est aussi un motif de joie, la cause d’une émotion particulièrement forte. Tout ceci est évident et ne concerne que chacun et chacune dans l’intimité de sa mémoire et de son cœur.

Mais la commémoration de Cleews Vellay ne peut se réduire à cela dans la mesure où il a été le militant qu’il a été et qu’il est mort dans les circonstances qui sont celles de l’épidémie de Sida. La commémoration ne peut être ici le moment d’une simple nostalgie, le souvenir de Cleews Vellay ne pouvant être réduit à l’image désormais jaunie d’un jeune homme mort il y a longtemps. La nostalgie, le souvenir peuvent aussi tuer une seconde fois, enfermer dans un passé clos sur lui-même, et peuvent oblitérer le présent. Avec les souvenirs, on peut faire de belles images, fabriquer des icônes inoffensives, ou encore réaliser des films à la mode et succesfull. Et lorsque ce souvenir est orchestré par le pouvoir politique, la méfiance est évidemment absolument nécessaire…

Lors de la cérémonie de cette après-midi, c’est cette image nostalgique qui a été heureusement déchirée par, entre autres, les interventions de Gwen Fauchois et de Marc-Antoine Bartoli, l’actuel président d’Act Up Paris. Une cérémonie en hommage à Cleews Vellay, si elle n’est pas qu’un prétexte cynique ou un geste symbolique et sans risque, ne peut être que fidèle à ce qu’a été le militant Cleews Vellay, c’est-à-dire une action politique à la fois fortement critique, sans concession, et un appel à un futur impliquant l’espoir. Commémorer Cleews Vellay ne peut être uniquement l’occasion d’un souvenir, cette commémoration ne peut qu’être l’occasion d’une conscience politique, d’un appel à l’action, ce qui serait une façon de ne pas enfermer Cleews Vellay dans un passé trop lointain pour nous concerner réellement. Il s’agirait – et il s’est agi – au contraire de le rendre présent, ici et maintenant, parmi nous encore.

Pour ceux et celles qui ont connu les années les plus violentes de l’épidémie de Sida, il s’agit d’un passé qui ne passe pas. Ceux et celles qui sont mort.e.s et qui nous étaient proches n’ont jamais basculé dans le passé : ils et elles sont là, parmi nous, et le seront jusqu’à notre propre mort. Personne n’oublie l’indifférence politique et sociale avec laquelle les contaminé.e.s ont été laissé.e.s à leur sort. Personne n’oublie la complicité du pouvoir politique alors en place avec l’épidémie et sa virulence. Personne n’oublie que nous n’étions pas préparés à cela, que nous n’avions aucun modèle, et que nous étions seuls. Personne n’oublie la condamnation à mort par l’Etat et la société de ceux et celles qui étaient contaminé.e.s. Personne n’oublie rien de ce qui a eu lieu il y a longtemps mais qui demeure et ne passe pas. Ni oubli ni pardon, dit-on. Et il s’agit bien de cela : ni oubli, ni passé, ni souvenir, ni pardon.

Act Up n’a cessé de dire et de montrer que le Sida a été une épidémie politique, et c’est ce que l’action de Cleews Vellay n’a cessé de mettre en avant. Le combat contre cette épidémie a été un combat médical, économique, politique. Il l’a été et il l’est encore. La France n’est-elle pas ce pays qui aujourd’hui rejette des réfugiés séropositifs et les renvoie dans des pays où ils ne peuvent que mourir ? La France n’est-elle pas ce pays qui voit son système de santé détruit jour après jour? Qui pourchasse et persécute les prostitué.e.s, les clandestins? Qui stigmatise les toxicomanes ? N’est-elle pas ce pays qui supprime l’aide médicale pour les réfugiés ? N’est-elle pas ce pays où l’Etat n’organise aucune campagne nationale de prévention du VIH ? N’est-elle pas ce pays où la précarisation politiquement voulue d’une grande partie de la population rend chaque jour plus difficile de survivre et de se soigner lorsque l’on est aussi séropositif ?

Plus de quarante millions de personnes sont mortes à travers le monde des conséquences du Sida. Ces quarante millions de morts ne sont pas du passé. Ces quarante millions de personnes ont été massacrées – et ce massacre ne peut pas être l’objet d’une simple « commémoration ». D’autant moins lorsque les contaminations se poursuivent, lorsque les politiques limitent encore leur engagement contre cette épidémie ou persécutent, emprisonnent et tuent au lieu de permettre de vivre.

S’il s’agit de commémorer Cleews Vellay, peut-être s’agit-il d’abord de rappeler ce qu’a été le Sida, de rappeler cette histoire et d’en constituer la mémoire. De rappeler aussi tous et toutes les autres Cleews Vellay qui ont existé et qui existent encore, ayant maintenant dépassé les cinquante ans et étant toujours là avec leur mémoire, leur amour, leur intelligence, leur colère. Peut-être s’agit-il également de marteler ce qu’est le Sida aujourd’hui, d’agir contre le cynisme politique et contre la logique économique qui fait du Sida une manne financière. Peut-être s’agit-il de faire encore et toujours, vingt-cinq ans après sa mort, ce que faisait Cleews Vellay.

Pour le reste, chacun peut inaugurer toutes les plaques qu’il veut, ce qui certainement a aussi ses vertus.

Ou simplement pleurer ses morts. Ou bien leur sourire encore…

Source : Astro-Databank chart of Cleews Vellay, born on 3 February 1964

Le Patchwork de Cleews vellay
Aids Memorial Quilt Cleews Vellay Pascal Lièvre 2024