Superstition(s) par Camille Bernaud

Pascal Lièvre Superstition(s)

Galerie Vanessa Quang 26 janvier – 8 mars 2008

Made in France ouvre le bal. Au premier regard, une impression d’uniformisation un peu repoussante. Des formes, des silhouettes. Le bleu, le blanc, le rouge. Heureusement, titres et couleurs interpellent plus qu’ils n’indiffèrent. On regarde de plus près et on comprend mieux. Chaque peinture reprend des œuvres célèbres d’artistes français. Un simple mimétisme ? Non. Pascal Lièvre épure volontairement la toile afin de se concentrer sur l’essentiel : une isolation des figures et des formes plus pertinentes dans notre ère déjà saturée d’images. En réinterprétant des œuvres marquantes de l’histoire de l’art, Pascal Lièvre invite à refaire l’expérience du chef-d’œuvre, il réussit à ressusciter, devant cette actualisation très contemporaine de l’œuvre, des émotions et de nouvelles interprétations. Une manière de trouver plus de résonances dans nos consciences contemporaines.  »

Pascal Lièvre expose à la galerie Vanessa Quang à Paris. Superstition(s) est une façon ludique et captivante de pénétrer l’univers de Pascal Lièvre. Un artiste qu’il faut découvrir pour ses œuvres rafraîchissantes, pertinentes et le plus souvent très drôles, chacune d’entre elles apportant son lot de réflexion sans plomber ni la cervelle ni le moral, bien au contraire.

Pascal Lièvre développe ici un travail sur des superstitions contemporaines, à savoir la post-démocratie et la philosophie (dixit le dossier de presse). Pour autant, ne nous effrayons pas de ces deux grands mots. Là où on pourrait s’attendre à du difficile, voire même à du rébarbatif, Pascal Lièvre invite, d’une manière qui lui est singulière, l’humour, l’amusement et la dérision.

Made in France ouvre le bal. Au premier regard, une impression d’uniformisation un peu repoussante. Des formes, des silhouettes. Le bleu, le blanc, le rouge. Heureusement, titres et couleurs interpellent plus qu’ils n’indiffèrent. On regarde de plus près et on comprend mieux. Chaque peinture reprend des œuvres célèbres d’artistes français. Un simple mimétisme ? Non. Pascal Lièvre épure volontairement la toile afin de se concentrer sur l’essentiel : une isolation des figures et des formes plus pertinentes dans notre ère déjà saturée d’images. En réinterprétant des œuvres marquantes de l’histoire de l’art, Pascal Lièvre invite à refaire l’expérience du chef-d’œuvre, il réussit à ressusciter, devant cette actualisation très contemporaine de l’œuvre, des émotions et de nouvelles interprétations. Une manière de trouver plus de résonances dans nos consciences contemporaines.

Pascal Lièvre est autant culotté qu’ironique. Alors que Made in France peut s’appréhender comme une remise en question du statut de l’œuvre, et plus encore de celui du chef-d’œuvre, avec Aérobic philosophie l’artiste propose, non sans humour, un strip-tease philosophique comme une manière de dédramatiser la philosophie. Aérobic philosophie, dispositif de vidéos ludique et ingénieux, convoque l’absurde, le comique de situation, lorsque l’image devient le lieu de la rencontre improbable entre la philosophie, le strip-tease et l’aérobic. On remarque d’emblé un souci de simplicité dans l’image, du dénuement même (plan fixe, éclairage minimal, pas ou peu de montage). L’absurde et le sens de l’action n’en ressortent alors que plus clairement. Trois télévisions posées au sol. Sur chacune d’elles un homme exécute inlassablement les mêmes mouvements d’aérobic en prononçant des mots issus de textes philosophiques. A la fin de l’exercice, l’homme a donné vie à une phrase sur le corps de Kant, Nietzsche ou encore Heidegger. Les mots deviennent des mouvements, les images forment des phrases et le corps est l’incarnation d’une pensée philosophique. Et subitement le sens de chaque mot, de chaque phrase nous parait alors plus évident. L’aérobic comme mise en abyme de la pensée de Kant, Nietzsche ou Heidegger ? Pourquoi pas. Avec Pascal Lièvre la philosophie sort de son registre. Elle devient aérobic (ou est-ce l’aérobic qui devient philosophique) puis, au détour d’une photographie, elle est une marque. Dans sa série de photographies J’aime la philosophie, Nietzsche, Heidegger et Kant sont des marques de vêtements cousues sur des slips et des tee-shirts. L’artiste déplace la philosophie hors de son contexte de réception habituel, il en modifie notre perception et notre compréhension. Un pied de nez aux habituelles visions quelque peu élitistes et difficiles de la philosophie.

Autodidacte, Pascal Lièvre développe un style original afin de créer un nouveau langage plastique plus simple (et non simpliste), plus accessible. La pertinence de ses œuvres vient alors surtout du déracinement et de cette confrontation d’univers qui, a priori, n’ont pas grand-chose à voir ensemble. L’artiste est un mixeur, il engloutit toutes sortes d’influences et de références qu’il régurgite, sans aucune hiérarchie, donnant lieu à de fabuleux mélanges ou à de pertinentes réinterprétations (de chansons populaires notamment). Il tente des expériences et, à force de collision, collage et mixage, l’artiste fait apparaître du sens là où il n’y en a pas, là où on ne le voit plus (des poncifs, des images stéréotypées, des discours philosophiques ou politiques, etc.).

Chez Vanessa Quang, Pascal Lièvre présente quelques-uns de ses derniers travaux (dont deux vidéos). Et, si l’envie vous prend de connaître le reste de son travail, il suffit d’aller sur son site, beaucoup de ses vidéos sont en ligne (dont la fameuse Dalida Lacan, sa première vidéo et celle qui l’a fait connaître) des plus drôles au plus énigmatiques, des plus insolites au plus engagées, tel une mise au point salutaire de nos cultures contemporaines.

Camille Bernaud